Aujourd'hui, plongeons dans un sujet fascinant qui touche à notre biologie la plus fondamentale : les différences entre mâles et femelles face aux maladies. Au-delà des différences anatomiques évidentes, saviez-vous que notre sexe influence de manière significative la manière dont nous tombons malades, la gravité des symptômes et même notre réponse aux traitements ? Pendant longtemps, la recherche médicale a largement ignoré ces distinctions, se concentrant majoritairement sur les mâles. Mais les choses changent, et de nouvelles découvertes soulignent l'importance capitale de considérer le sexe en médecine.
Hommes et femmes, inégaux face à la maladie ?
Les statistiques sont claires : de nombreuses pathologies présentent un « biais sexuel ». Par exemple, les maladies auto-immunes, comme le lupus ou le syndrome de Sjögren, touchent beaucoup plus fréquemment les femmes. À l'inverse, certains cancers (vessie, foie, poumon...) ou des troubles comme l'autisme ou la maladie de Parkinson sont plus courants ou plus agressifs chez les hommes. Même des conditions comme l'anxiété ou la dépression montrent des différences de prévalence selon le sexe, tout comme la maladie d'Alzheimer qui affecte davantage les femmes, bien que sa progression puisse être différente chez les hommes.
Ces inégalités ne se limitent pas aux maladies ; elles influencent aussi des processus biologiques de base. La tension artérielle, la masse musculaire, la capacité respiratoire, la réponse immunitaire ou même la manière de stocker les graisses diffèrent en moyenne entre les hommes et les femmes.
Mais d'où viennent ces différences ?
Ces distinctions complexes sont le résultat d'une interaction entre des facteurs environnementaux (y compris sociaux), hormonaux et génétiques. Les hormones sexuelles comme les œstrogènes ou les androgènes jouent un rôle protecteur ou, au contraire, augmentent la vulnérabilité face à certaines affections. Mais les chromosomes sexuels eux-mêmes, X et Y, sont désormais considérés comme des acteurs clés.
Pendant des siècles, la santé des femmes a été négligée en médecine, souvent réduite à des problèmes liés à l'utérus. La recherche se basait sur des cohortes masculines, rendant parfois les traitements moins efficaces ou provoquant plus d'effets secondaires chez les femmes. Heureusement, la communauté scientifique prend de plus en plus conscience de cette lacune et s'efforce d'inclure les femmes dans les études et de considérer le sexe comme une variable biologique essentielle.
Le rôle fascinant du second chromosome X
Les femmes possèdent généralement deux chromosomes X (XX), tandis que les hommes en ont un X et un Y (XY). Pour équilibrer l'expression des gènes portés par le chromosome X, les femmes inactivent aléatoirement un de leurs deux chromosomes X dans chaque cellule. C'est un processus remarquable appelé inactivation du chromosome X (ICX).
Cependant, cette inactivation n'est pas parfaite. Environ 20 à 30 % des gènes situés sur le chromosome X inactivé échappent à ce "silence" et restent actifs. Ces gènes qui s'échappent contribuent largement aux différences biologiques observées entre hommes et femmes.
Des recherches récentes suggèrent que ce second chromosome X, même majoritairement "silencieux", pourrait jouer un rôle crucial dans la résilience cognitive, c'est-à-dire la capacité du cerveau à résister au déclin lié à l'âge. Des études menées sur des souris femelles ont montré que supprimer ce chromosome X "silencieux" aggravait leurs déficits cognitifs.
Plus intéressant encore, il semblerait qu'avec l'âge, certains gènes sur le chromosome X inactivé des femmes s'échappent davantage, augmentant ainsi leur expression. Des travaux sur l'hippocampe (une région du cerveau importante pour la mémoire) de souris femelles âgées ont identifié des gènes surexprimés de cette manière. L'un d'eux, appelé PLP1, essentiel au bon fonctionnement neuronal, semble même améliorer les performances cognitives lorsqu'il est surexprimé.
Ces découvertes passionnantes laissent penser que le second chromosome X, en permettant à certains gènes liés aux fonctions neuronales de s'exprimer davantage avec l'âge, pourrait contribuer à limiter le déclin cognitif chez les femmes.
Un avantage à double tranchant ?
Cependant, le tableau est complexe. Si l'évasion de certains gènes du chromosome X pourrait conférer une résilience cognitive, d'autres gènes échappés sont impliqués dans des maladies neurodégénératives, comme Alzheimer. La surexpression de ces gènes pourrait potentiellement augmenter la vulnérabilité des femmes à ces pathologies. Des études sur des modèles de souris atteintes d'Alzheimer suggèrent d'ailleurs que le nombre de chromosomes X influence la gravité des symptômes, les souris XX montrant une certaine résilience par rapport aux XY.
En conclusion...
Il est aujourd'hui indéniable que les maladies ont un sexe. Comprendre les mécanismes complexes – environnementaux, hormonaux et génétiques (dont le rôle des chromosomes sexuels et de l'inactivation de l'X) – qui sous-tendent ces différences est essentiel pour une médecine plus précise et personnalisée. Prendre en compte ces spécificités selon le sexe n'est pas une question de privilège, mais de rigueur scientifique pour améliorer la santé de toutes et tous.
Sources :
- Marguerite Jamet, "Chez les femmes, le second chromosome X limiterait le déclin cognitif", Pour la Science N° 571, 02 mai 2025.
- Edith Heard, Agnese Loda et James Cleland, "Inégalités entre femmes et hommes face aux maladies : le rôle clé des chromosomes X et Y", Pour la Science n°567 - Janvier 2025